mercredi 6 avril 2011

Au volant la tête en bas



C'est pas trop dur de conduire à gauche? Et les automatiques, on ne se mélange pas les pinceaux en les conduisant? Les routes de montagnes, ça doit faire flipper, non? Ils conduisent bien, les Kiwis?Autant de questions qu'on s'est posés avant d'acheter notre bolide – enfin surtout moi, parce que François s'intéresse à la question plus froidement vu qu'il ne conduit pas! Et la conduite en Nouvelle Zélande réserve bien quelques surprise, et pas forcément celles que l'on croit. Tour d'horizon des dix commandements de la route néo-zélandaise...
A gauche tu rouleras. Sans surprise, en bon sujets de sa majesté Elisabeth II, les Kiwis roulent à gauche. J'appréhendais un peu, mais bizarrement, et sans explication particulière, ça se passe remarquablement bien! J'avoue que dans un lotissement ou un parking déserts il m'est arrivé d'avoir le réflexe de rouler à droite, mais ça ne va pas plus loin!
L'automatique tu chériras. Les paysages grandioses, les lieux reculés qui poussent à la méditation, les merveilles de la nature et les rencontres marquantes... tout cela est très bien, mais ce dont je suis réellement tombée amoureuse en Nouvelle Zélande, c'est de la boîte automatique. Dès la première voiture essayée, ce fut le coup de foudre: démarrage en côte les doigts dans le nez, route pentue et extra-étroite empruntée avec un calme olympien... Après cela, ni une ni deux, nous avons rayé toutes les manuelles de notre pré-sélection de voitures à vendre! Imaginez, prendre une route de montagne pleine de virages sans changer incessamment de vitesses, en n'utilisant ses mains que pour le volant... c'est le rêve absolu, la promesse d'un monde sans stress!
Les ponts à une seule voie tu emprunteras. La Nouvelle Zélande est un pays humide et, d'après mes sources, c'est la pluie qui est à l'origine des cours d'eau. Et comme la Nouvelle Zélande est aussi un pays montagneux, les cours d'eaux ont pris l'habitude de se nicher n'importe où et de se multiplier presque à l'infini. Du coup il y a des ponts. Plein de ponts. Tellement de ponts qu'à un moment donné ils ont dû se dire: « construire tous ces ponts nous coute trop cher, réduisons leur taille par deux, nous ferons des économies! » Donc, régulièrement, il y a des panneaux qui annoncent un pont à une seule voie et qui précisent qui a la priorité. Souvent, je les aime bien ces ponts, au moins je n'ai pas à me serrer sur une voie étroite en espérant que le camion en face en fasse autant. Mais quelquefois, sans doute pour pimenter les choses, ils décident de faire un combo: pont-à-une-seule-voie-chemin-de-fer et même pont-à-une-seule-voie-chemin-de-fer-en-travaux (sans doute une variante du rond-point-passage-à-niveau que nous avons aussi rencontré). Ca s'emprunte bien, mais par temps de pluie ça force à pas mal de vigilance, parce que les rails, c'est glissant!
Tu ne tueras point – sauf les possums. Ah les possums! L'animal que les Néo-zélandais adorent détester! Il faut dire que ce marsupial importé d'Australie pour sa fourrure a décidé de changer ses habitudes alimentaires en arrivant ici. Sans prédateur, il a en partie délaissé la verdure et s'intéresse aussi aux oeufs d'oiseaux, par exemple. Bref, c'est une plaie pour la faune et la flore endémique – qui sont globalement fragiles – et en particulier pour le kiwi et d'autres oiseaux. Les possums prolifèrent et font chier, donc. Du coup, personne ne s'émeut de les voir par dizaines écrasés sur la route. Au contraire, il est arrivé qu'on nous encourage à faire un détour pour bien les viser, et non-pas pour les éviter. Pour ma part, je n'en ai pas encore à mon palmarès, mais je n'ai pas dit mon dernier mot!
La priorité à droite tu sublimeras. Ayant passé mon code il n'y a pas si longtemps et avec un succès resplendissant, je croyais connaître la priorité à droite. Mais chez les Kiwis, il ont décidé de l'« améliorer ». Donc, quand deux véhicules arrivent face à face et veulent chacun tourner du même coté, c'est celui qui tourne à droite qui a la priorité, même si on conduit à gauche (donc celui tournant à sa gauche ne change pas de file). C'est une règle « unique au monde ». Ils aiment beaucoup cette expression, ici, mais là, ils envisagent quand même de la faire évoluer. Peut-être parce que ça trouble profondément les touristes...
Aux travaux tu chanteras Alléluiah. Au début, nous nous sommes étonnés de voir tant de travaux sur les routes néo-zélandaises. Souvent, au milieu de nulle part, des panneaux avertissant de travaux et demandant de ralentir, surgissent au détour d'un virage. Les routes ici sont globalement de très bonne qualité, ceci explique cela. Avec le temps, nous avons compris à quel point c'était une nécessité: ici, tout le monde se déplace en voiture (souvent, il n'y a pas le choix) et surtout, la nature est dure. On ne peut pas laisser la route sans surveillance un seul instant, elle aurait tôt fait de se faire engloutir par la végétation, ensevelir par les éboulis, craquelée par le soleil, érodée par la pluie... A titre d'exemple, il a fallu plus de 30 ans pour construire une route reliant la West Coast à l'intérieur du pays, par la passe de Hast!
Des piétons tu snoberas. Ici, la priorité donnée aux piétons a une portée assez limitée: elle ne se fait que sur les passages marqués par des bandes. Tous les autres passages piétons sont donc empruntés avec prudence, parce que l'automobiliste n'est pas habitué au piéton surgissant devant ses roues (contrairement à Paris, par exemple). Et puis, d'ici à ce qu'il le prenne pour un possum, dans un moment d'égarement...
Tu honoreras ton pick-up et ton 4x4. Certes, le Kiwi n'a pas vraiment le choix: dans la plupart du pays, difficile de se déplacer sans voiture. Certes, le Kiwi est rural et a besoin de gros véhicules ne craignant pas les petites routes en terre ni les projections de gravillons. Mais disons qu'il a décidé d'en tirer le parti qui lui disait et de s'équiper de 4x4 énormes et de pick-ups impressionnants, avec leur accessoire indispensable, le quad, aussi utile pour gérer ses moutons que pour aller profiter de la nature en famille. Bref, il y a du lourd sur les routes de Nouvelle Zélande, les camions n'étant pas en reste. Les routiers semblent d'ailleurs affectionner les étroites routes de montagne pour faire des pointes de vitesse, créant quelques frayeurs dans les voitures qu'ils croisent...
Des signes de reconnaissance tu donneras. En Nouvelle Zélande, les choses prennent vite un côté familier, presque familial. Alors, quand on fait une faveur quelqu'un en lui permettant de doubler ou en le laissant croiser en premier, et même tout simplement quand on croise un automobiliste au milieu de nulle part, on lui fait plein de signes sympathiques. Petit signe de main viril (mon préféré, je l'applique dès que possible), klaxon amical, appel de phare chaleureux... Et quand il y a un problème sur la route, le premier à passer par là s'arrêtera forcément pour voir s'il peut aider!
Tu prendras pitié des autostoppeurs. La Nouvelle Zélande fait partie des derniers pays où le stop est encore très répandu. On en a rencontré, des touristes à ne se déplacer qu'ainsi, fille ou garçon, seul ou à deux! Et on a vu aussi quelques Kiwis en faire. En tout cas, tout le monde trouve ça très normal et les automobilistes ne rechignent pas à prendre des autostoppeurs à bord de leurs monstres. Même nous, avec nos nombreux bagages à l'arrière, avons pu en prendre quelques uns!


En bonus, un cliché de notre belle carriole, une Mitsubishi Chariot 1995 avec la bagatelle de 150 000 kilomètres au compteur (sérieusement, pour la Nouvelle Zélande, c'est rien du tout!) Nous lui avons déjà fait parcourir 4600 km supplémentaires. Et, contre toute attente, nous l'avons assez peu customisée: j'aurais rêvé de faire comme dans « Pimp my ride », mais je me suis contentée d'un sent-bon à fleurs et d'une coquille de paua pour ranger chewing-gums et bonbons. Il faut dire qu'on pense la revendre à un moment ou à un autre. Alors on lui a plutôt acheté de nouveaux essuie-glaces, de l'huile, du produit pour nettoyer le pare-brise et des lingettes pour désinfecter les rangements. Beaucoup moins fun, certes!

Julia