jeudi 19 mai 2011

D'auberge en auberge


C'est malheureusement un cliché que je vais vous servir, mais un un cliché authentique, heureusement! Je me souviens qu'en lisant Le Seigneur des Anneaux je me suis dit que j'aimerais bien me déplacer à pied. Surtout en lisant le premier tome à vrai dire, avant que tout ne devienne excessivement ténébreux, quand le petit groupe de hobbits se déplace dans la Comté, aperçoit des elfes, dort dans des tavernes (ah, Le Poney Fringant!) C'est un peu ça qui m'a donné envie de goûter à la randonnée.


Ici en Nouvelle Zélande, je suis servie en la matière! Mais voilà, les randonnées dans les montagnes, les forêts, les parcs nationaux, c'est bien joli mais on y rencontre plus souvent des chalets sans électricité, avec des matelas en plastique posés à terre et à des prix astronomiques que de joyeuses auberges. Et je ne vous parle même pas de toutes les affaires qu'il faut trimballer, à commencer par la nourriture! Et pourtant, nous avions tous les deux envie de faire une longue randonnée. Fort heureusement, nous avons fini par repérer l'Otago Rail Trail, un sentier qui suit le tracé d'une ancienne ligne de chemin de fer et qu'on peut emprunter à vélo (dans la majorité des cas), à cheval ou à pied (comme nous!) Et si notre périple de trois jours a résolu le problème de l'hébergement rustique et du ravitaillement, nous menant d'auberge en auberge, nous avons tout de même dû mériter tout ce confort.

Après quelques frayeurs à l'office du tourisme d'Alexandra, où nous avons réalisé que le week-end de Pâques ne constituait peut-être pas le meilleur moment pour effectuer des réservations sur un sentier très populaire, nous avons pu établir notre parcours, avec un lit qui nous attendait tous les soirs.

Rassurés, nous avons même pu aller visiter la ville fantôme de Saint Bathans (et son hôtel-pub hanté) avant de nous rendre à Ranfurly, d'où nous prendrions la route le lendemain matin, le 25 avril.


Ranfurly est une charmante bourgade où il se passe peu de choses, mais où il y d'excellents exemples d'architecture « art déco rual » (notez cette petite distinction campagnarde) ce qui fait qu'on peut passer un bon quart d'heure à visiter la ville, sans compter le mini-musée d'objets art déco, ni le film gratuit sur la défunte ligne de chemin de fer. Autant dire que nous avons pu prendre la route dans la matinée, dans une brume glaciale à laquelle le soleil était entrain de venir à bout.


Nous avons marché 25 kilomètres ce jour là. Et nous sommes arrivés fourbus. Ce jour-là, nous avons longé des pâturages, fait peur à d'innombrables moutons, fait des pauses dans d'anciennes gares au milieu de nulle part (le chemin de fer a joué un rôle essentiel dans le développement de cette région agricole), admiré des chaînes montagneuses qui se modifiaient lentement dans le lointain, observé la soleil teinter le paysage alors qu'il commençait à faire très froid. Nous avons dormi à Oturehua, dans un charmant dortoir rien que pour nous, avec comme hôtesse une adorable vieille dame qui nous incitait vigoureusement à embarquer deux bouillottes dans nos lits. Le lendemain matin, avant de partir, nous avons fait un tour dans ce qui constitue la principale attraction d'Oturehua, à savoir son magasin – le plus ancien encore en fonctionnement du pays. Un prétexte idéal pour nous acheter des biscuits au citron et des barres chocolatées (j'entends déjà les rires narquois, auxquels je répondrais « 25 km à pied »).

Notre deuxième jour de marche était le plus spectaculaire: toujours pas tellement de dénivelé (c'est bien pour ça que des familles entières peuvent l'emprunter à vélo) mais des gorges impressionnantes, des ponts vertigineux et deux longs tunnels. Nous avons pu observer le travail d'ouvriers qui creusaient, il y a un peu plus d'un siècle, des tunnels de plusieurs centaines de mètres dans la pierre, avec des pioches et des brouettes. Quand nous prenions un peu de hauteur par rapport au paysage environnant, nous pouvions suivre le tracé des cours d'eau marqué non pas par l'eau, que nous ne voyions pas, mais par les arbres jaunes qui les longeaient. Ah, les couleurs de l'automne!

Après 23 kilomètres, les mollets lourds, nous rejoignions Lauder à la nuit tombante. Une bonne surprise nous attendait, le patron ayant décrété qu'il faisait trop froid pour que nous dormions dans le bâtiment extérieur où se trouvait le dortoir pour lequel nous avions réservé, et nous offrant à la place une chambre double bien douillette. Enivrés de bonheur, nous avons décidé de poursuivre dans la veine « confort » et de manger dans le pub attenant. Et regardez ce qui nous attendait:



Le dernier jours, nous n'avions que 9 kilomètres à parcourir, jusqu'à Omakau. Nous avions décidé de tenter un retour à Ranfurly en stop, histoire de ne pas dépenser plein de sous pour prendre un bus. Nous avons été bien inspirés: nous avons rencontré notre premier chauffeur sur le sentier, sans même avoir à tendre le pouce. Pour le deuxième tronçon de notre parcours, nous avons attendu 12 minutes. De retour au camping de Ranfurly, il nous restait encore beaucoup de temps pour mettre en oeuvre notre plan machiavélique... aller dans la ville voisine de Naseby pour jouer au curling!

Croyez-moi si vous voulez, ce sport écossais éminemment ridicule et peu télégénique nous a séduits. Avec d'autres clients, nous avons disputé quelques parties endiablées, perfectionnant le maniement du balais et cherchant l'équilibre pour nos lancers (ni trop fort, ni trop doucement...) A part le froid glacial qui régnait dans cet équipement de niveau olympique (sans glace qui fond comme dans les patinoires municipales, donc), c'était parfait. Et il faisait déjà tellement froid dehors que ça ne changeait pas grand chose...

Le lendemain, nous quittions l'intérieur des terres pour rejoindre Dunedin, où nous sommes restés trois semaines. Non sans avoir observé le gel qui s'était installé dans les endroits les plus incongrus.


Julia